Celia, peux-tu te présenter ? Parle moi de toi, de tes loisirs, de ta personnalité…
C : Bonjour ! Je m’appelle Celia San Pedro, ou Celouche pour les intimes ! Je suis originaire du Sud-Ouest, plus spécialement de Saint-Jean-de-Luz. Aujourd’hui, j’habite encore tout près de là, à Ascain. J’adore mon Pays-Basque et tout ce qu’il offre : ses randonnées en montagne, ses journées plage à sentir le soleil me brûler les joues, son ambiance, sa culture, ses multiples possibilités culinaires, son infinité de balades, que ce soit, côté français ou espagnol,… En bref, pour rien au monde je n’échangerais ma vie au Pays.
Toutes ces chouettes activités, je les fais sur mon temps-libre, mais j’essaie tout autant de prendre soin de moi : ça passe par le sport, respirer l’air frais à plein poumons, cuisiner des bonnes choses et surtout par… la création ! Tous les arts manuels m’intéressent et en fonction de l’humeur je tricote, je couds, je dessine, je peins, je brode, j’écris…
Du côté de ma personnalité, on me dit souvent que je suis solaire et que je déborde d’idées, mais très personnellement je dirais sans détour que je suis une personne anxieuse et que le fait de créer me sauve simplement.
Peux-tu me raconter comment tu as découvert la poterie ?
C : De mes plus vieux souvenirs, nous avons toujours fait beaucoup de loisirs créatifs à la maison, ma sœur, mon frère et moi. Assez naturellement, on a commencé à s’intéresser à la poterie, ce qui m’a menée vers un atelier municipal vers l’âge de 11 ou 12 ans. Cet atelier se situaient à Bidart et je l’ai fréquenté plusieurs années. C’était génial en tout point ! La professeure qui nous donnait cours était une femme très inspirante, elle correspondait vraiment à ce que je me faisais de l’idée d’une “vraie artiste”. Les cours étaient dispensés en petits groupes, ce qui favorisait les échanges tant de rires que d’idées.
Comment as-tu appris le métier ? As-tu suivi une formation ?
C : Pour contextualiser, lorsque je suis entrée au lycée, j’ai dû arrêter la poterie, par manque de temps : j’ai dû faire des choix pour définir les différentes activités que j’allais faire. De fil en aiguille, je me suis tournée vers des études en Histoire de l’Art. Mais, avec du recul, je réalise que la céramique n’a vraiment jamais quitté mes pensées durant tout ce temps-là. Naturellement, à la fin de ma licence j’ai candidaté dans une école de céramique, mais cela n’a pas été concluant. Je me suis donc tournée vers une école d’Art Thérapie dans le but d’accompagner les personnes qui le souhaitent à travers des thérapies d’expression artistique. Ces thérapies favorisent la communication et la relation. Une fois mon diplôme obtenu, je décide de créer mon entreprise afin de travailler à mon compte, mais je songeais toujours à la poterie, que j’essayais de mêler à ma nouvelle activité d’art thérapeute.
Durant l’été 2021, mes amis m’offrent un abonnement dans un atelier à Irun. C’est à partir de là que tout s’est enchaîné. Remettre mes mains dans la terre a été une joie immense, une évidence. Je reprends donc mes marques et crée quelques pièces durant une année. En même temps, je regardais les formations proposées pour devenir potière-céramiste. C’est ainsi que je découvre l’Atelier Terra Goya d’Audrey Goyeneix à Tarnos, dans lequel je m’inscris en formation professionnelle pour une année. Après ça, je passe le CAP tourneur céramique en candidat libre et transforme le statut de mon entreprise afin que la poterie puisse prendre toute la place.
Auprès d’Audrey, ma formation a été très complète. Les rencontres que j’ai fait en ce temps-là et à cet endroit ont également beaucoup nourri ma pratique. Aujourd’hui j’ai la chance d’enseigner dans ce même atelier qui m’a formé, je donne des cours régulièrement et je peux produire mes collections en parallèle. Une vraie chance de pouvoir trouver ce que j’ai envie de proposer en tant qu’artiste tout en sécurité, dans un cadre magnifique et bienveillant. Tous les jours je continue d’apprendre, je me sens stimulée et j’espère que tout ça durera encore.
Penses-tu avoir un « style » ? Si oui, comment est-ce que tu le décrirais ?
C : Avant tout, j’estime que je suis encore en pleine phase de recherche et d’expérimentation, afin de, justement, trouver mon style. J’aime beaucoup jouer avec les textures et les couleurs. En poterie, on travaille généralement par “collections”. En ce moment, je me penche sur une collection basque en m’inspirant des tissus typiques d’ici (voir Jan Vier ou la Lartigue 1910). Ces linges influencent ma pratique comme ça : je grave des stries sur mes pièces que je colore. En résumé, en ce moment, je m’inspire de motifs appartenant à la culture basque que j’appose sur des pièces aux formes plus modernes et contemporaines.
Photographies réalisées par Carmen Echeverria.
Quel type de pièce préfères-tu faire et pourquoi ?
C : Je fais majoritairement de la vaisselle utilitaire, parce que j’aime l’idée d’une poterie qui vient sublimer les objets du quotidien. Pour moi, c’est comme rendre accessible une forme certaine d’art. Un café ne se savoure-t-il pas mieux dans une jolie tasse ? Ce que j’apprécie particulièrement produire, c’est la carafe. C’est une pièce qui est accessible en termes de coût et qui est présente dans tous nos intérieurs. Pour servir à boire ou pour sublimer un beau bouquet de fleurs, il s’agit d’un objet aussi fonctionnel que décoratif.
Photographies réalisées par Carmen Echeverria.
Où puises-tu ton inspiration ? Peux-tu me décrire les étapes de ton processus créatif ?
C : Pour être honnête, un rien m’inspire dans tout mon environnement, qu’il s’agisse de choses naturelles ou non. Pour te donner un exemple, il y a peu de temps j’ai employé une terre grisée parce qu’elle me faisait penser aux rochers de la côte basque. Mais au-delà des paysages, je m’inspire aussi beaucoup grâce aux réseaux sociaux — consciemment ou pas. Le fait de voir des choses continuellement permet la naissance d’idées. Et surtout, je met un point d’honneur à ne me mettre aucune limite, tant dans les formes que je façonne que dans les couleurs que je choisis, j’essaie de produire des choses complètement différentes.
Quant à mon processus créatif, je commence toujours par mener une enquête de visuels ! Que ce soit dans les livres, les magazines ou les réseaux sociaux, je collecte plein d’images. À partir d’elles et surtout avant de mettre les mains dans la terre, je dessine. Cette étape est très importante, je mets vraiment un point d’honneur à croquer ce que j’imagine pour la suite du travail. Ça me permet d’imaginer la pièce finale que ce soit dans sa forme, dans ses couleurs ou dans ses motifs. Quand je ne fais pas cette étude en amont, j’arrive assez facilement à produire des formes qui me plaisent mais je bloque toujours sur l’émaillage !
Alors, j’en conclus que plus je pousse la préparation de mes idées, plus mon travail devient fluide jusqu’à sa finalité. En revanche, certaines formes que j’avais dessiné au préalable évoluent parfois au moment du tournage. Par exemple, un col que j’imaginais pourtant bien droit peut finalement s’évaser ou se styliser différemment. En fait, je fais confiance à la terre.
Quelle est la pièce dont tu es le plus fière ?
C : Ma première carafe ! C’était la première fois que l’une de mes pièces était vraiment aboutie. Non seulement elle l’était, mais elle me plaisait. Tant dans la couleur que dans la forme — et crois-moi, ce n’est pas une mince affaire, je suis très autocritique. Sur cette pièce, je me suis aussi challengée avec un petit défi technique : une anse ! Et cette fois-ci, j’étais fière : son appréhension était parfaite. C’est l’une des pièces que j’ai gardé tellement j’en étais contente et je m’en sers très régulièrement !
Quelles sont les difficultés les plus courantes que tu rencontres dans ton travail ?
C : D’un point de vue pratique, même s’il y a encore mille et une choses que je dois améliorer, je dirai que je suis encore confrontée à la perte de mon centrage. Aussi, sur des pièces lourdes (plus de 3 kg), mes gestes ont tendance à être moins assurés. Pourtant, cela fait 2 ans que je pratique à plein temps la poterie et une petite dizaine d’années que je pratique occasionnellement. On ne finit jamais d’apprendre et de s’ajuster !
Ceci étant dit, les soucis pratiques ne sont pas ceux qui me pèsent le plus. C’est plutôt tout ce que nécessite une auto-entreprise. On peut dire qu’il s’agit vraiment de montagnes russes !
Quel a été le plus beau moment que tu as connu ces derniers temps en tant que potière-céramiste ?
C : Le 25 mai dernier, nous avons organisé à Terra Goya la vente du printemps, qui a nécessité des heures et des heures — voire des mois — de préparation. Je tenais vraiment à proposer plusieurs pièces dans plusieurs styles différents. Au-delà de la production, il a fallu réfléchir au merchandising de mon stand, réflexion que j’ai menée de façon totalement autodidacte ! Finalement, la vente fut une belle réussite. Ça a vraiment été le couronnement de mois d’un travail acharné. En plus d’avoir bien vendu, j’ai reçu beaucoup de soutien, que ce soit des autres potières, des clients et des visiteurs, mais aussi de toute ma famille qui a fait le déplacement pour me voir. Tout cela a permis de m’encourager à continuer mon activité, tout en solidifiant ma confiance en moi, qui est souvent fragilisée par les montagnes russes de l’entrepreneuriat, dont je parlais plus haut.
Comment imagines-tu l’évolution de ton activité dans les prochaines années ? Que puis-je te souhaiter pour la suite ?
C : J’ai la chance de travailler dans un atelier qui appartient à une autre céramiste, Audrey Goyeneix : j’y donne des cours et y crée mes pièces destinées à la vente. La réputation de cet atelier n’est plus à faire et sa clientèle est bien fidélisée : deux choses difficiles à avoir lorsqu’on débute en céramique. Grâce à cette opportunité j’aimerais, dans un premier temps, continuer à m’améliorer dans la transmission des savoirs tout en en apprenant davantage sur la gestion d’un atelier. Sa manutention sous-entend un travail colossal (maniement des stocks, commandes aux fournisseurs, administration des cours, gestion des pièces produits, etc.).
Dans un second temps, je rêve parfois d’ouvrir mon propre atelier, de collaborer avec d’autres artistes et d’autres céramistes. Mais pour cela, vous pouvez me souhaiter d’arriver à vivre de la céramique à 100% !
As-tu un projet ou une collaboration à venir dont tu aimerais me parler ?
C : Je suis en train de développer une collection qui s’inspire du linge typique basque, avec ses rayures reconnaissables. C’est un projet qui me plaît, m’anime, et que j’espère pouvoir faire évoluer. Je m’imagine bien concevoir une collaboration avec une belle maison d’ici, comme Lartique 1910 ou encore Jan Vier. J’espère rapidement leur proposer de travailler avec moi !
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite devenir ou se reconvertir en tant que potier.e céramiste ?
C : Aujourd’hui, on sait que la céramique est un domaine très attractif : c’est l’activité n°1 des reconversions professionnelles et je comprends parfaitement tout l’engouement qu’il y a autour de cet artisanat.
Mais il faut garder en tête que, comme tout métier de l’artisanat, la poterie implique un gros investissement en temps, un vrai savoir-faire, une haute technicité et de la rigueur. Le tournage, notamment, demande beaucoup d’heures d’apprentissage et peut parfois être frustrant (tourner, couper ses pièces, recommencer encore et encore, recycler sa terre,etc.). L’émaillage aussi est une science exacte et peut générer pas mal de désillusions. Donc, pour entamer une reconversion, je conseille d’appréhender les choses step by step, de chercher des formations qualitatives et complètes pour avancer sereinement mais aussi de s’entourer de personnes compétentes.
Il faut aussi réaliser qu’il est difficile de vivre de la poterie : avant de tout plaquer, il faut bien réfléchir aux débouchés que cela représente. J’ai toujours un emploi en tant que salariée à côté, pour m’octroyer plus de sérénité. On voit des ateliers se monter un peu partout en France et ça peut faire peur. Je pense qu’en termes de créativité il y a la place pour tout le monde, la terre propose une infinité de possibilités. Par contre, pour se démarquer et perdurer dans le temps, il faut travailler avec sérieux et ordre. Un atelier qui veut donner une image artisanale sans s’imposer toute la rigueur nécessaire, aura moins de chances d’être pérenne.
Cite 3 artistes “émergent.e.s” que tu suis de près en ce moment…
C : Delphine Ricau, Kim Lê et Jacques Monneraud !
Pour découvrir le travail de Celia, vous pouvez la suivre sur son compte Instagram.
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