Passionnée par la création et l’artisanat, Marguerite Wattiau est une couturière-modéliste au parcours singulier. Après des études en design, c’est presque par hasard qu’elle découvre la couture… et en tombe amoureuse. Autodidacte dans un premier temps, elle se forme ensuite à travers un CAP et une expérience en maison de couture.
Attachée aux matières nobles et responsables, elle façonne des pièces élégantes aux coupes oversize, alliant confort et raffinement. Inspirée par les années 70, les arts décoratifs et l’artisanat, elle cultive une esthétique intemporelle et singulière. Aujourd’hui, elle continue de développer son univers tout en suivant une formation prestigieuse à l’école Hermès des savoir-faire. Dans cette entrevue, elle nous dévoile son parcours, ses influences, ses techniques et sa vision de la mode. Découvrez l’univers d’une créatrice passionnée, entre précision du geste et liberté d’expression !
Salut Marguerite ! Peux-tu te présenter ? Qui es-tu ? Quel est ton parcours pro et ton métier ?
M : Je m’appelle Marguerite Wattiau, j’ai 26 ans et je suis couturière-modéliste. J’ai fait principalement des études d’arts et design, à savoir une MANAA et un BTS (l’équivalent aujourd’hui d’un DN MADE), dans une école d’arts appliqués à Lyon, La Martinière Diderot. Depuis quelques années je travaille sur un projet, Marguerite Watt, que je compte bien développer en tant que marque à part entière.
Je suis une citadine pure souche, mais depuis peu la vie à la campagne s’est imposée à moi. J’ai vécu quasiment toute ma vie à Lyon et j’habite désormais dans la région bordelaise. J’aime bricoler, faire la crêpe à la plage, siroter des matcha glacés et réaliser un paquet de projets qui fusent sans cesse dans ma tête. Je me ressource en Haute-Loire, au grand-air, dans la maison familiale. Je suis une personne qui aime sortir et faire la fête autant que j’aime rester chez moi et me reposer. Et j’aime énormément les petits chats !
Peux-tu me raconter comment tu es devenue couturière-modéliste ?
M : J’ai toujours été attirée par le monde de la mode et du stylisme. Je ne sais pas expliquer pourquoi, mais ces portes-là ne se sont pas ouvertes pour moi pendant un certain temps. J’entendais souvent qu’il s’agissait d’un monde de requins dans lequel il ne fallait pas mettre les pieds. J’ai donc suivi des études de design, qui finalement, appartenaient à un monde similaire à ce que j’entendais sur celui de la mode. Il était difficile de trouver un emploi dans ce secteur et encore plus compliqué de s’y faire une place. Après mon DN MADE, je ne savais pas trop quoi faire, je n’étais pas sûre de vouloir continuer dans cette voie-là. J’ai donc décidé de prendre une année sabbatique et j’en ai profité pour voyager en Amérique du Sud.
Lorsque je suis rentrée — en pleine période de confinement — j’ai découvert la couture. Il faut savoir que je n’avais jamais touché une machine à coudre de ma vie à cet instant. J’étais encore en année sabbatique, je n’avais rien à faire de spécial et j’ai senti que c’était le moment pour moi d’essayer la couture. Par chance, j’ai mis la main sur une machine à coudre dans le grenier de la maison familiale en Haute-Loire. Je m’y suis donc mise à fond parce que je n’avais que ça à faire. J’ai réalisé que j’aimais énormément la couture et que j’aimais créer des vêtements. C’est comme ça que j’ai pris la décision de m’inscrire au CAP Métier de la Mode et Vêtement Flou que j’ai passé en candidat libre et que j’ai obtenu en juin 2021. À la suite de ça, j’ai passé une formation pour devenir modéliste. En parallèle j’ai pu acquérir de l’expérience professionnelle dans une maison de couture éthique à Lyon.
J’ai appris toute seule, je suis autodidacte sur les bases de la couture et j’en suis assez fière. J’ai beaucoup appris grâce à YouTube et à certains bouquins.
Quelles sont les 3 principales influences qui ont marqué ton cheminement dans cette voie ?
M : Je dirai les années 70, dans un premier temps. Cela se voyait beaucoup dans mes créations à un moment donné car je choisissais des tissus qui me venaient tout droit de ces années-là avec des motifs assez marqués par cette époque. La mode à ce moment m’intéresse mais pas seulement : le mouvement hippie, le fait que la femme s’est libérée, a pu commencer à s’habiller exactement comme elle le voulait, enfin tout ça a fait de cette période un courant qui me stimulait et donc avait un impact sur mes créations. Aujourd’hui, ce mouvement m’anime toujours mais il ne se ressent plus de manière aussi marquée dans mes créations. Je suis également très sensible aux arts décoratifs. Le travail de la pierre, la ferronnerie, la tapisserie. Dans les 70’s ces arts-là étaient particulièrement organiques et rigoureux. Je suis passionnée par le monde de l’artisanat et j’aimerai faire ressentir ce mouvement dans mes créations. Il m’inspire beaucoup.

Qu’est-ce qui caractérise tes créations ?
M : Les coupes oversize. J’aime l’idée du confort dans ses vêtements tout en étant élégants. Aussi, j’utilise seulement des tissus issus de stocks dormants et je soigne leur sélection en fonction des matières que je veux belles, nobles, respectueuses de l’environnement et de bonne qualité (soie, lin, coton, mélange coton/lin, etc.). Je proscris les matières synthétiques, comme la viscose.
Quelles “techniques” utilises-tu, quels sont tes outils en tant que couturière-modéliste ?
M : J’ai investi dans une bonne machine à coudre mais également dans une brodeuse plus modeste, ainsi que dans une surjeteuse. Je me sers aussi très régulièrement de papiers et de crayons, pour imaginer mes futures pièces.
La partie modélisme je la traite “à la main”, c’est-à-dire que je n’utilise pas le numérique. Je dois faire mes patrons dans de grands espaces avec mes règles et ma calculatrice (parce que ça nécessite des calculs rigoureux !).
Où puises-tu ton inspiration ?
M : J’ai toujours été attirée par l’art en général, d’où mes études ciblées vers ce monde-là. De fait, ce que j’ai pu voir à l’école m’influence un peu je pense et les bouquins que j’ai à la maison. Les réseaux sociaux m’inspirent aussi. Mais ma petite source d’inspiration secrète, c’est que j’ai un dossier dans la galerie de mon téléphone, qui s’appelle “Gens de la rue” et je photographie les gens que je croise, qui ont un style qui m’inspire, ou tout simplement qui porte une pièce avec des coutures que je n’avais jamais vu avant. Et donc toutes ces photos m’inspirent énormément. C’est un peu mon arme secrète !
Quelles sont les pièces que tu préfères faire ?
M : Il n’y a pas vraiment de pièces que je préfère faire. Mais peut-être que les pièces qui m’intéressent le plus sont les chemisiers — bien que je n’aime pas particulièrement en porter. Ils sont challengeants parce que je ne veux pas me cantonner à faire des choses classiques mais je veux quand même que les chemises que je crée soient intemporelles. Elles ont pour point commun leur effet oversize, leurs épaules tombantes, souvent des manches bouffantes resserrées au poignet par un élastique ou par un bracelet. C’est vraiment avec le col que je m’amuse généralement. Les cols ronds tombants, les cols cheminées à volants, etc. J’aime modifier la chemise classique tout en conservant son intemporalité !



Quelle est la pièce dont tu es le plus fière ?
M : La veste Monika que j’ai réalisée lors d’un voyage en Australie. Elle est entièrement réalisée en patchwork avec des chutes de tissus dans les tons roses, rouges et beiges. J’ai dû mettre une quarantaine d’heures à la concevoir. Elle est entièrement doublée et molletonnée. Je l’ai réalisé sans patron car je n’avais aucun matériel lorsque j’étais là-bas. J’ai fait ça “à la louche” à partir de vestes que j’avais déjà faites, directement dans le tissu et le résultat me rend très fière. Depuis, je l’ai offerte à maman et je trouve qu’en la portant elle l’a met vraiment bien en valeur.


En tant que couturière-modéliste, quelles sont les difficultés les plus courantes que tu rencontres ?
M : En couture, les problèmes que je rencontre le plus souvent sont liés aux machines. Je peux très bien savoir faire une pièce en très peu de temps, cette même pièce peut facilement nécessiter le double de mon temps habituel parce qu’il aura été jalonné d’heures à résoudre un problème dans la machine (la machine à coudre, la surjeteuse, etc.).
Quel a été le plus beau moment que tu as connu grâce à ton activité ? A contrario, le moins bon souvenir ?
M : Concernant le bon souvenir, il y a une personne qui me vient tout de suite à l’esprit. C’est Monica, une femme extraodrinaire que j’ai rencontré en Australie. Elle m’a accueilli chez elle, m’a offert le couvert et nous avons beaucoup échangé. Elle est passionnée par la mode et la couture. J’ai pu donc beaucoup coudre avec elle. On s’est appris énormément de choses mutuellement, autour de la couture mais aussi d’autres choses comme les langues françaises, anglaises et allemandes. Ce fut une rencontre vraiment enrichissante.
Et s’il y a des choses négatives que j’ai pu vivre avec ce métier, je ne m’en souviens pas. Donc je pense que même à travers les mauvais souvenirs j’ai sans doute su tirer du positif, ce qui m’amène à penser que je n’ai pas vraiment de mauvaises expériences depuis le début de mon activité.
Comment imagines-tu l’évolution de ton activité dans les prochaines années ?
M : En ce moment mon activité professionnelle est en stand-by parce que depuis septembre, je suis une formation à l’école Hermès des savoir-faire pour devenir sellière maroquinière. Je compte bien me donner les moyens de réussir cette formation afin de rester plusieurs années chez Hermès. Je me suis rendu compte que l’auto-entrepreneuriat n’était pas encore fait pour moi pour l’instant. Sans parler du SAV, le côté administratif me stresse beaucoup. Je suis jeune et j’ai envie de profiter des avantages que présente le salariat avant de créer mon entreprise. En attendant je compte bien continuer d’alimenter mon compte Instagram avec la présentation de mes futures créations. Par ce biais j’espère gagner peu à peu en notoriété.
As-tu un projet ou une collaboration à venir dont tu aimerais me parler ?
M : Non, je n’en ai pas. Mais je rêverai un jour de pouvoir collaborer avec mes amis. Je pense notamment à Salomé, une artisane qui a créé récemment sa marque de bijoux sur Lyon, nommée Boès. Elle produit des choses très organiques, comme je les aime. Je pense que l’alliance entre le textile et les bijoux peut vraiment donner quelque chose de chouette et une telle collaboration me stimulerait énormément !
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite devenir ou se reconvertir en tant que couturière-modéliste ?
M : Tout d’abord j’aimerais dire que c’est un métier passion. Si la passion n’est pas là, je ne pense pas que l’on puisse s’épanouir dans ce métier. Je m’explique : ce métier requiert beaucoup de patience avant de parvenir à un résultat — qui peut certes s’avérer très satisfaisant. Au quotidien, je ne suis pas vraiment patiente. Et pourtant en couture je le suis beaucoup. Et je pense que la passion y est grandement pour quelque chose. Si la passion est là, l’envie d’en apprendre toujours plus suit et pourquoi pas même l’envie de transmettre.
Cite 3 créateurs.rices “émergents.es” que tu suis de près en ce moment…
M : Salomé qui a créé la marque Boès (cela signifie bois en ardéchois). Elle fait des bijoux très organiques en lien avec la nature. Elle vient de commencer mais je vous conseille chaudement de la suivre sur Instagram, que ce soit en vue d’une commande ou plus simplement pour le plaisir des yeux. Elle fait un réel travail d’orfèvre.
Ensuite, je pense à Humbeline Creps, une amie que j’ai rencontrée à la Martinière Diderot à Lyon. Il s’agit d’une céramiste qui expose beaucoup à Paris. Ça a l’air de bien marcher pour elle. En outre, c’est aussi une très bonne dessinatrice que ce soit sur céramique ou sur papier.
Je pense aussi à Marthe Duval, une créatrice de mode lyonnaise. J’ai été spectatrice de son évolution, elle est si rigoureuse et perfectionniste… J’aime beaucoup son travail, si bien exécuté. C’est très harmonieux, et on sent sa patte.



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