Léna Beaudier, directrice artistique engagée, graphiste et fondatrice de sa propre entreprise, se distingue par son engagement passionné pour la création et la sensibilisation à l’endométriose. Originaire de Mont-de-Marsan, elle a parcouru le monde, s’installant finalement à Montréal, où elle a développé son style unique, marqué par la couleur orange. À travers ses diverses activités – photographie, illustrations, vidéos – elle exprime une esthétique contrastée et lumineuse, inspirée de ses expériences personnelles et rencontres. En mars dernier, elle a publié un livre illustré intitulé Le silence des maux, retraçant son parcours avec l’endométriose, mêlant témoignages et illustrations poignantes. Son engagement va au-delà des projets artistiques : elle milite pour briser le silence autour de cette maladie encore trop peu connue.
Bonjour Léna ! Présente toi : dis-nous qui tu es, d’où tu viens, ce que tu aimes…?
L : Hello, moi c’est Léna Beaudier, mais mes amis m’appellent Malé. Je suis née à Mont-de-Marsan puis j’ai commencé à faire mes premiers pas à Audignon dans le moulin à farine où vivait ma famille pour ensuite grandir de mes 4 à 15 ans à Nousse, un petit village dans la Chalosse. À l’âge de 15 ans, je suis partie à Bordeaux pour mes études dans la mode, après 9 ans là-bas, je pars vivre à Montréal.
Passionnée, je n’ai pas vraiment de temps libre. J’ai la chance de vivre de ma passion alors je ne m’ennuie jamais. Et tout ça se constitue de lectures, écritures, illustrations, éditions, photos, retouches photos, et j’en passe, mais surtout toujours en musique. Difficile de synthétiser parce que la liste est longue. Alors pendant mon temps libre, je travaille.
J’ai pas mal déménagé, bougé, mais c’est plus les personnes avec qui je suis qui comptent. Donc peu importe où, si je suis avec ma famille et mes amis, je suis la plus heureuse. Il y a quand même un lieu qui m’a sacrément marqué lors de mon premier voyage à Montréal. Un parc, au bord d’un cours d’eau, l’air était doux, il n’y avait pas un seul bruit de la ville, juste moi et mes pensées. À ce moment-là, j’ai senti que cet endroit marquerait un passage important dans ma vie de jeune femme. Et depuis, j’ai l’envie au ventre d’y retourner.
Finalement, je suis un sacré personnage, je crois. J’aime profondément croire qu’il y a du bon chez tout le monde, je suis une éternelle optimiste et j’aime protéger les autres, mais je suis un brin maladroite et très spontanée. Les liquides ne m’aiment pas. Je ne sais pas expliquer pour quelle raison, mais dès que je sers un verre d’eau, où que je verse un liquide, c’est sûr moi qu’il se retrouve… Au plus grand plaisir de mon entourage, qui en rigole bien à chaque occasion.
Quelle est ton activité principale aujourd’hui ?
L : Je suis directrice artistique, graphiste et maquettiste. J’ai créé ma micro-entreprise en 2023. Je fais beaucoup de choses : de la photo, de la retouche photo, de l’illustration en passant par la réalisation de maquettes pour des livres jusqu’à la réalisation de vidéo et montage. Je travaille aussi pour des marques/entreprises qui me laissent faire la DA de leur entreprise, de leur logo, à la charte, aux réseaux en passant par les shootings.
En mars dernier, j’ai aussi sorti un livre illustré que j’ai réalisé seule de A à Z, sur l’endométriose et réalisé une campagne gouvernementale à ce sujet. J’ai plusieurs casquettes finalement et c’est ce que j’aime dans cet univers. Je ne me lasse jamais.
Comment es-tu devenue directrice artistique ? As-tu suivi une formation ?
L : J’ai fait une prépa art, un bachelor en design graphique et pour terminer, un master DA 360 en alternance. Avant ça, un bac Pro métiers de la mode et du vêtement. J’ai donc suivi plusieurs formations pour avoir des bases solides. En 2021 a commencé mon alternance avec la marque The Nines, après deux ans avec eux, ils m’ont gardé en CDD pour être DA, puis j’ai préparé mon départ à l’étranger en me mettant à mon compte. Tout ça grâce à l’envie, la détermination et les opportunités.
Quelles sont les influences qui ont marqué ton cheminement en tant que directrice artistique engagée ?
L : Je dirais que mes inspirations viennent de l’entièreté de ce que je vois. Je suis une personne qui reste difficilement en place. Je vois constamment du monde et donc je pense que chaque projet s’inspire des rencontres que je fais, des mots que j’ai entendu et retenu puis des actions menées par les autres. J’ai grandi avec une mère qui m’a appris à dessiner tout en me faisant écouter beaucoup de musique, avec un père qui m’a appris à danser et à coudre ainsi qu’un frère passionné par le 2 et 4 roues. Alors je puise toutes mes idées dans ce qu’ils m’apportent. J’ai d’ailleurs lié ce que m’ont appris mes parents pour en faire mon métier aujourd’hui.
Enfants des années 70, ils m’ont pas mal inspiré à ce sujet notamment par la couleur orange, qui aujourd’hui fait ma DA. Plus actuel, je suis énormément le travail de Gaëlle Garcia Diaz et Léna Situations, qui sont selon moi de beaux exemples en termes professionnel et personnel.
Alors, oui, je ne puise pas forcément dans des artistes moins récents et plus reconnus, mais j’étais assez nulle pour retenir les noms et j’ai passé les 3/4 de mes cours d’histoire de l’art à penser, rêver et dessiner. Mais je considère que chacune des rencontres que je fais aujourd’hui est un moyen de me faire avancer dans mes idées et dans mes créations.
Comment décrirais-tu le “style” que tu préfères en quelques mots ?
L : Dans ma DA j’ai réussi à me démarquer par ma façon d’aborder le travail, les shootings et les expressions mais aussi par une couleur : le orange. Ce que j’aime apporter avec mon univers avec cette couleur c’est ma personnalité, la passion, la nostalgie mais aussi un côté très contrasté mais doux et lumineux. Je dirais que mon style peut correspondre à toutes les teintes de peaux, les aspects et les lieux, c’est d’ailleurs ce que je j’aime. Un univers qui colle à tout le monde. Ça me permet aussi de travailler pour différentes marques/ artistes.
J’apporte à mes photos un univers street/underground avec une note mode. C’est ce que je préfère dans le style que j’ai développé avec les années.
Tu as récemment publié un livre illustré sur l’endométriose. Peux-tu m’en parler ?
L : En septembre 2021, à l’âge de 21 ans, après 11 ans de douleurs et après avoir changé de gynécologue, on a enfin pu poser des mots sur mes maux. J’ai ressenti un grand soulagement. Impuissante face à la grandeur du silence autour de cette maladie, j’ai décidé de lier ce que je savais faire de mieux : la communication par l’écriture et l’illustration. J’ai ainsi créé un livret illustré de 8 pages, dédié aux centres gynécologiques et aux écoles. J’ai aussi fait un compte Instagram dédié avec un personnage : il me représente, mon utérus et moi. Ces initiatives n’ont pas fonctionné en France, mais à Montréal, oui. On m’a contacté de là-bas pour tenir une conférence devant les étudiants d’un CÉGEP. Je me suis rendu compte qu’à plus de 5000 km, la situation était très semblable voire pire [il y a une grande méconnaissance de la maladie]. Alors, durant ce déplacement, j’ai commencé à écrire les premières pages de ce livre. Neuf mois après, j’ai pu sortir en maison d’édition « Le silence des maux ». Il se compose de 140 pages, 33 illustrations, retraçant mon parcours personnel et relatant une vingtaine de témoignages anonymes ainsi que des portraits photos.
Et comme je le fais ici, dans ce livre, je ne parle pas du nom de cette maladie, jusqu’à la dernière page, le diagnostic, pour faire référence à l’invisibilité qu’on a lorsqu’on se plaint de douleurs. Disponible sur les sites de toutes les librairies, ce livre a autant aidé des femmes qu’il m’a aidées à me retrouver.
Quelle est la créa’ dont tu es le plus fière ?
L : Le livre, sans aucun doute. J’ai eu le sentiment, pour la première fois, de créer quelque chose d’utile. D’ailleurs pas seulement le livre, mais le projet en lui-même, l’émission YouTube que j’ai fait sur ça, le compte Instagram, les livres, les vidéos, tout. J’ai pleuré de joie parce que j’avais ce sentiment de fierté : et il est rare.
Quelles sont les difficultés les plus courantes que tu rencontres dans ton activité ?
L : Je dirais la crédibilité. Comme dans beaucoup de métiers artistiques, l’art reflète le don et s’apparente à une facilité de produire. Du moins, c’est souvent ce que les gens pensent. Et par conséquent, ils sous-estiment les tarifs. C’est assez triste quand on voit le temps, l’argent, l’investissement, les logiciels et le don de soi mis dans les projets qu’on réalise. Mais il ne faut jamais se sous-estimer où baisser ses tarifs pour faire plaisir au client. Surtout quand on a de l’or dans les mains.
Quel a été le plus beau moment que tu as connu depuis que tu es directrice artistique ? A contrario, le moins bon souvenir ?
L : Pour mon dernier shooting avec la marque The Nines, en tant que DA, j’ai choisi de mettre en avant la nouvelle co, au lac de Salagou. J’ai travaillé sur les moodboard, le choix des modèles, l’image de marque et nous avons fait ce shooting là-bas. On est arrivé devant ce lac bleu turquoise relevé par des reflets oranges, causés par la couleur ocre de la terre. Je suis tombée amoureuse du lieu, de l’ambiance. Il faisait chaud, on était avec une super team, le shooting s’est très bien déroulé. J’étais heureuse et je suis nostalgique de ce moment. Mon obsession pour la couleur orange est d’ailleurs née là-bas.
Le moins bon souvenir, c’est sans aucun doute la fois où avec la marque, nous avions un shooting en haut de la dune du Pilat. On a dû monter la dune et arriver en haut, mes règles se sont déclenchées et une crise d’endométriose aussi. J’étais avec une équipe 100 % masculine. Le photographe de la marque, m’a accompagné aux toilettes. Mais je me sentais inutile, faible et énervée de me dire que la seule femme ici c’était moi et que je n’ai pas pu terminer ma mission correctement. J’étais mal, déçue de moi et triste à la fois.
Comment imagines-tu ton évolution professionnelle dans les prochaines années ?
L : Un peu difficile de projeter mon évolution professionnelle. J’ai des idées, mais en réalité si je regarde un an en arrière jamais je n’aurais imaginé sortir mon premier livre, monter mon auto-entreprise, faire toutes ces rencontres professionnels, réaliser tous ces shooting, retoucher toutes ces photos, apparaître dans une pub gouvernementale sur l’endométriose et obtenir mon premier rôle de comédienne. Jamais de la vie, je n’aurais imaginé réaliser toutes ces choses en une année. Alors ce que j’imagine et peut-être loin de la réalité et du futur. En allant à Montréal, j’aimerais acquérir plus d’expérience dans mon métier de DA, au sein d’une marque de prêt-à-porter ou d’un magazine de mode. Faire un maximum de rencontres me permettant ainsi d’avoir plus tard ma propre marque.
J’espère aussi pouvoir sortir mon propre magazine regroupant mes shootings, mes collaborations avec des artistes, les ITV. Comme celui que je réalise en ce moment mais qu’il soit accessible à l’achat, contrairement à celui là, qui ne l’est pas, pour le moment.
Enfin, j’aimerai sortir un autre livre, qui, cette fois-ci, n’aurait rien en commun avec l’endométriose. Mais je sais que l’avenir nous réserve bien des surprises. Et généralement, tout se passe autrement de ce que l’on avait imaginé. Tout ce que je me souhaite, c’est de continuer à créer entourée de mes proches, qui m’encouragent encore et encore.
As-tu un projet ou une collaboration à venir dont tu aimerais me parler ?
L : Alors j’en ai toujours, je crois, parce qu’il est difficile de m’arrêter et il y a des shootings qui arrivent sur ma page Instagram, notamment avec un créateur de mode. Un podcast sur l’endométriose arrive également pour la rentrée et la création de mon magazine. Je me suis laissé un mois pour pouvoir créer ce magazine qui regroupe toutes les ITV que j’ai réalisé durant ces derniers mois à Bordeaux avec des artistes en tout genre, pris en photo dans mon studio avec, évidemment, ma DA. Le magazine ne sera pas mis en vente, mais il s’agit d’un moyen pour moi de réunir mes compétences et capacités sous un support. .
Mais… Restez connectés ! J’ai toujours du nouveau à proposer.
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite devenir ou se reconvertir en tant que directeur.rice artistique ? Mais également à quelqu’un qui souhaite publier un ouvrage ?
L : Rester focus, s’entourer correctement et ne jamais abandonner. C’est un très beau métier qui permet de travailler aussi bien dans la mode que dans la musique et finalement, ce n’est que mon avis, mais le diplôme n’est pas une fin en soit, une réussite ou le seul moyen d’y arriver. Ce qui prime et qui sera toujours indispensable, c’est la détermination, la rigueur, la passion et les contacts.
Ce sont mes conseils, un peu bateau, mais la chance n’arrive pas toute seule, chaque opportunité est bonne à prendre tant qu’elle nous fait avancer. Il y a de la place pour tout le monde. Il en est de même pour la création d’un ouvrage. Je ne lisais presque pas, mais j’aime jouer avec les mots, écrire et laisser une trace. Je n’ai jamais baissé les bras, abandonné ou songé à arrêter d’y croire. Tout le monde en est capable !
Cite 3 artistes/créateur.rices que tu suis de près en ce moment…
L : En ce moment, j’ai pas mal été en contact avec un créateur de mode, qui m’inspire énormément, Curtis. Sa marque [JEUNE] Roméo, est une marque qui prône l’amour des autres et de la mode. Je n’en dis pas plus, je vous laisse le suivre et regarder de très près son travail qui se démarque des autres. Je pense que sa différentiation est notamment liée au fait que c’est un éternel passionné, autodidacte, aux nombreuses casquettes.
Pour changer de registre, j’aimerais parler d’Antoine, plus connu sous le nom de Spleenter. Rappeur libanais, il vit aujourd’hui à Paris. Autodidacte, il réalise presque tout, tout seul, c’est aussi un très bon directeur artistique qui le démontre bien à travers ses projets.
Enfin, Rupi Kaur. Elle est autrice de 4 livres. Au sein de son plus populaire, « Lait et miel », elle partage avec textes et illustrations, des ressentis qui sont d’actualité à propos des relations. J’aimerais d’ailleurs terminer cette rencontre avec ce court extrait issu de ce livre :
« Ton art n’est pas de savoir le nombre de personnes qui aiment ton travail, ton art est de savoir si ton cœur aime ton travail, si ton âme aime ton travail, si tu es honnête avec toi-même et tu ne dois jamais troquer l’honnêteté pour l’art de plaire.»
Pour en savoir plus sur le travail de Léna, suivez-là sur son compte instagram. Vous pouvez vous procurer son livre, Le Silence des Maux sur Amazon et d’autres sites internet.