Arts(,) dēco & design est allé à la rencontre de Julie Lamarche, la créatrice talentueuse derrière Lamarche Lab, une jeune marque alliant mode, art et artisanat. Avec une approche unique, Julie manipule le silicone pour créer des pièces oniriques, sensuelles et délicates, inspirées par la nature et l’Art Nouveau.
Depuis ses débuts à Bordeaux, en passant par ses collaborations avec des marques prestigieuses de cosmétiques, Julie a su imposer son style singulier. Avec Lamarche Lab, elle réinvente les techniques artisanales, tout en gardant un processus entièrement manuel, proche de la haute couture. Ses créations fascinantes lui ont valu des collaborations avec des stars internationales telles que Kylie Jenner ou encore Coperni et les demandes de pièces sur-mesure se multiplient. Découvrez son parcours, ses influences artistiques et les défis auxquels elle fait face pour continuer à innover tout en gardant un savoir-faire d’exception !
Bonjour Julie ! Peux-tu te présenter en quelques mots ? Dis-moi ce que tu aimes faire et ce qui te caractérise…
J : Je m’appelle Julie Lamarche ! Mon surnom c’est Juju — ou Barbou pour les amis ! Je viens de Bordeaux et je vis à Paris depuis 7 ans. Ce que j’aime faire sur mon temps libre (bien que je n’ai plus beaucoup de temps libre ahah), c’est lire et écrire. Avant j’aimais peindre, mais je n’ai plus assez de temps…! Ce qui me caractérise, c’est ma positivité à toute épreuve ! Je vois toujours le verre à moitié plein.
Peux-tu me raconter comment est né Lamarche Lab ?
J : Lamarche Lab est né à la fin de mon Master 2, pour lequel j’ai dû rendre un projet qui m’a permis de faire des recherches assez poussées. Pour le mener à bien, je voulais trouver une matière qui ait à la fois la transparence du verre mais aussi la fluidité d’un vêtement qui pourrait être portable. C’est comme ça que j’ai découvert le silicone et la manière de le manipuler. Cette découverte a marqué le début de Lamarche Lab puisqu’après le Master, j’ai continué à travailler le silicone.
Comment es-tu venu à la création de ta marque ? As-tu suivi une formation ? Raconte-moi ton parcours !
J : Comme évoqué plus haut, j’ai fait Master dans lequel les étudiants étaient très libres : il y avait des sculpteurs, des plasticiens, des personnes intéressées par la mode et les vêtements, d’autres qui se servaient du digital, qui produisaient des photos, de la vidéo, et tout ce monde était à la recherche de sa pratique. Avant ça, j’ai fait un BTS design de mode, un DSA mode et environnement, et j’ai aussi fait un an de formation en design broderie au studio Dior pour les défilés femme en prêt-à-porter. Aujourd’hui je suis toujours designer broderie, ou plutôt designer textile plus largement, chez Vuitton et j’ai Lamarche Lab en parallèle.
Quelles sont les influences principales (courant, créateur, etc.) qui ont marqué ton cheminement artistique et/ou pro ?
J : Si je devais parler de mouvements, j’évoquerai ceux de l’Art Nouveau — notamment l’Art Nouveau des 20’s avec des choses très organiques — et des Arts Décoratifs. J’aime beaucoup les artistes verriers de ces années-là, notamment les artistes italiens avec le verre de Murano dans sa forme la plus traditionnelle.
En créateur de mode, je pense à McQueen pour ses utilisations de la broderie, pour ses formes fantastiques, qui ressemblent presque à des créatures. Il a une façon d’aller au-delà du corps pour convoquer des chimères, des monstres — mais de beaux monstres ! J’aime bien ce lien avec un univers un peu magique, on pourrait parler de science-fiction pour caractériser ses œuvres. Ses créations invoquent vraiment le rêve, l’onirisme et le surréalisme : des courants qui m’inspirent aussi beaucoup !
Comment décrirais-tu ton style ?
J : Je dirai que mon style est justement onirique, sensuel aussi, qu’il s’agisse d’une sensualité féminine ou masculine — je vais d’ailleurs bientôt proposer des modèles mâles. Et il y a un autre mot pour le décrire aussi : fragile.
Quelles techniques utilises-tu dans ton processus de création ?
J : J’utilise une seule matière, qui est le silicone, mais sous des formes variées puisqu’il peut être dans plusieurs états : liquide, plus ou moins solide. Ma technique est vraiment artisanale, je réalise tout à la main, à l’aide d’outils manuels. Il n’y a aucune impression 3D ou autre digitalisation qui entre en compte, mon travail est vraiment comme celui des brodeurs, des plumassiers, qu’on peut retrouver dans la haute-couture : il s’agit des mêmes savoir-faire.
Où puises-tu ton inspiration ? Peux-tu me décrire ton processus de création ?
J : Mon inspiration vient de plusieurs endroits. Généralement, je commence par une recherche iconographique qui peut prendre place tant dans les archives de broderie, d’œuvres en verre, que dans la mode. Je m’inspire aussi beaucoup de la nature, je prends moi-même en photo des fleurs que je peux voir dans mon quotidien et qui m’inspirent. Tout ça forme un tableau inspirationnel dont va découler ma future pièce. Ensuite je la dessine, je fais plusieurs croquis pour étudier le placement des fleurs, pour la shape que j’aimerai avoir. Puis je passe à l’étude des couleurs, durant lesquelles je fais des petites mixtures pour trouver la palette parfaite. Enfin, j’attaque la conception des fleurs, la base et le montage tous ensemble.
Quelle est la pièce dont tu es le plus fière ?
J : C’est une pièce que je n’ai plus, c’était une version transparente que j’ai pu refaire plein de fois depuis, mais la première fois que j’ai réussi à la faire j’étais super satisfaite. Parfois, on ne sait pas trop pourquoi mais il y a un petit supplément d’âme à un moment donné, qui fait qu’une pièce est plus belle qu’une autre. Elle a été achetée par Julia Fox, mais elle ne l’a jamais portée ce qui fait que je ne l’ai jamais revue depuis la vente, ce qui me cause une petite tristesse ! J’avais pu la porter avant ça pour faire des photos, mais j’espère qu’elle l’a portera bientôt pour que je puisse la revoir.
Quelles sont les difficultés les plus courantes que tu rencontres dans ta pratique ?
J : C’est le sizing. Il est parfois difficile de s’adapter à tous les corps, j’aimerai vraiment étendre mon sizing pour pouvoir m’adapter à tout le monde et à tous les types de corps. Ma pratique, pour l’instant, ne le permet pas toujours et c’est très frustrant.
Quel a été le plus beau moment que tu as connu grâce à ton activité ? A contrario, le moins bon souvenir ?
J : Pour l’instant, le plus beau moment que j’ai vécu — et je pense qu’il y’en a plein d’autres qui vont arriver très vite — c’est sûrement le premier mail d’un styliste, une grande star, que j’ai reçu au tout début de ma pratique. À ce moment je me suis dis “Ok, des personnes importantes dans le milieu, du moins des personnes qui comptent et prennent de grandes décisions s’intéressent à mon travail”. Ça m’a fait super plaisir et j’ai pensé qu’il faudrait vraiment que je continue parce que ça plaît.
Le moins bon moment que j’ai vécu, c’était peut-être lorsque des pièces me reviennent déchirées de shoots. Ce n’est arrivé qu’une fois, heureusement, mais j’ai réalisé que certains stylistes n’étaient pas précautionneux, ne respectent pas ton travail comme tu le mérites et c’est assez frustrant.
Comment imagines-tu l’évolution de ton activité dans les prochaines années ?
J : Au sujet de mon évolution, c’est une question que je me pose en ce moment. J’ai beaucoup de demandes, de beaux projets qui fleurissent un peu partout. Mais je travaille seule, je n’ai que mes deux mains et ma façon de travailler artisanalement m’a poussée à décliner certains projets ce qui est assez triste finalement. Je ne peux pas tout faire, je crois que l’enjeu c’est de garder ma production à cette échelle-là, c’est-à-dire à taille humaine, tout en sélectionnant les beaux projets en un certain laps de temps. Pour donner un ordre d’idée, je ne peux réaliser qu’une pièce par mois, en fonction de l’ampleur du projet. J’aimerai que ça continue à ce rythme là bien que j’aimerai dire oui davantage, je ne vois pas dans quelles mesures cela pourrait être réalisable… Je veux continuer à faire de belles collaborations qui fournissent de belles images et surtout, j’ai aussi plein d’idées, plein de nouvelles shapes et de nouvelles techniques qu’il me tarde d’essayer ! Il me faut juste du temps et pour l’instant malheureusement, j’en manque. Sans trop en dire, je compte créer une collection qui serait encore plus accessible et portable ! Plein de choses se préparent.
Penses-tu à un projet ou à une collaboration qui t’a particulièrement enthousiasmée ? Raconte-moi pourquoi !
J : Si je devais parler d’une collaboration, ce serait celle de Kylie Jenner et ses stylistes. C’était vraiment super intéressant et ce devait être produit dans un temps très court ! Ils m’ont fait parvenir toutes les gammes de fond de teint de sa marque de cosmétique, les palettes de teintes et c’est à partir de ça que je devais travailler. J’ai dû procéder à plein de tests de couleurs et c’est un peu ça qui me fait vibrer, de faire les bons mélanges, les bons dosages pour trouver les bonnes teintes. On a fait trois robes en tout. Pour l’instant l’une d’entre elles est sortie publiquement, j’attends de voir si les deux autres vont sortir également. Mais c’était vraiment super cool !
Dans la même veine, j’ai un autre projet qui va bientôt sortir, sur lequel j’ai collaboré avec un coloriste. Là aussi, le travail des teintes a été important et j’ai trouvé ça génial. Sinon, j’ai beaucoup d’autres projets en cours, dont je ne peux pas trop parler. Mais, dans tous les cas, chaque projet est hyper enrichissant, les autres apportent leurs idées, me demandent ce qui est possible de faire ou non, il y a un dialogue qui se fait et c’est vraiment très enthousiasmant. D’autant plus lorsque les collaborations prennent place dans des secteurs qui ne sont pas les miens initialement. Avec Kylie Jenner, j’ai pu faire un pas dans le monde des cosmétiques. Les textures de ce milieu se rapprochent des miennes mais pourtant on ne parle pas de la même chose et ça fonctionne quand même. C’est encore mieux de collaborer avec un designer issu d’un autre milieu que le sien ! J’ai donc plein de collabs comme ça qui vont arriver. À titre d’exemple, j’aimerai beaucoup travailler avec un(e) fleuriste.
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite travailler dans le monde de la mode ?
J : Déjà, je pense qu’il y a une pluralité de métiers qu’on ne soupçonne même pas. Il y a tellement de choses à faire. Je dirai, même si c’est un conseil un peu bateau, mais de ne jamais rien lâcher et d’y croire. Peu importe d’où tu viens, ta classe sociale ou ton background, si tu en as vraiment l’envie (et je suis d’un optimisme à tout épreuve), et si tu fais les efforts nécessaires, je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas y arriver. Je me suis toujours dit “pourquoi pas moi ?”. Il y a tellement de personnes qui font ce métier.
Bien sûr il y a une part d’accointance un peu naturelle avec la discipline qu’on choisit. Il faut être persévérant et être très souple dans ce milieu-là, pour s’adapter aux différentes personnalités. À ce sujet, il faut aussi savoir trouver quelle est sa propre identité, tout en sachant être souple et s’adapter à celle des autres sans pour autant se trahir. Il y a vraiment quelque chose qui se joue ici dans ce milieu-là, qui attrait à toi-même et à ton identité.
Je conseille aussi de se nourrir le plus possible : moi par exemple, je suis issue d’études de Lettres, donc il faut être curieux de tout et toujours être dans la modernité, dans l’ère du temps, ne jamais rester sur ses acquis — ne jamais penser qu’on a des acquis d’ailleurs parce que je crois que l’on en n’a jamais vraiment. Il faut vraiment apprendre à évoluer dans le monde qui nous entoure et s’adapter aux changements sociétaux.
Cite 3 artistes “émergent.e.s” que tu suis de près en ce moment…
J : Pour commencer il y a Coline Marotta, une femme française qui peint sur Copenhague. Elle fait des tableaux vraiment magnifiques : ils sont pleins de douceur et de couleurs vraiment superbes. Elle me fait penser à une Chagall moderne, presque impressionniste.
Ensuite, je citerai un couple d’amis qui travaillent en duo sous le nom de Xolo Cuintle. Ce sont des artistes plasticiens qui travaillent le béton et le ciment. Leurs travaux se situent entre l’œuvre et le mobilier d’art, ils font aussi des bas-reliefs et ça m’inspire beaucoup à titre personnel. Il s’agit de Valentin Vie Binet et Romy Texier.
Pour en découvrir davantage sur le travail de Julie, rendez-vous sur son compte Instagram.
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